La civilisation du poisson rouge, Petit traité sur le marché de l'attention
EAN13
9782246819301
Éditeur
Grasset
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
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La civilisation du poisson rouge

Petit traité sur le marché de l'attention

Grasset

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«  Le poisson rouge tourne dans son bocal. Il semble redécouvrir le monde à
chaque tour. Les ingénieurs de Google ont réussi à calculer la durée maximale
de son attention  : 8 secondes. Ces mêmes ingénieurs ont évalué la durée
d’attention de la génération des millenials, celle qui a grandi avec les
écrans connectés  : 9 secondes. Nous sommes devenus des poissons rouges,
enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de
nos messages instantanés.
Une étude du Journal of Social and Clinical Psychology évalue à 30 minutes le
temps maximum d’exposition aux réseaux sociaux et aux écrans d’Internet au-
delà duquel apparaît une menace pour la santé mentale. D’après cette étude,
mon cas est désespéré, tant ma pratique quotidienne est celle d’une dépendance
aux signaux qui encombrent l’écran de mon téléphone. Nous sommes tous sur le
chemin de l’addiction  : enfants, jeunes, adultes.
Pour ceux qui ont cru à l’utopie numérique, dont je fais partie, le temps des
regrets est arrivé. Ainsi de Tim Berners Lee, «  l’inventeur  » du web, qui
essaie de désormais de créer un contre-Internet pour annihiler sa création
première. L’utopie, pourtant, était belle, qui rassemblait, en une communion
identique, adeptes de Teilhard de Chardin ou libertaires californiens sous
acide.
La servitude numérique est le modèle qu’ont construit les nouveaux empires,
sans l’avoir prévu, mais avec une détermination implacable.  Au cœur du
réacteur, nul déterminisme technologique, mais un projet qui traduit la
mutation d’un nouveau capitaliste  : l’économie de l’attention. Il s’agit
d’augmenter la productivité du temps pour en extraire encore plus de valeur.
Après avoir réduit l’espace, il s’agit d’étendre le temps tout en le
comprimant, et de créer un instantané infini. L’accélération générale a
remplacé l’habitude par l’attention, et la satisfaction par l’addiction.  Et
les algorithmes sont aujourd’hui les machines-outils de cette économie…
Cette économie de l’attention détruit, peu à peu, nos repères. Notre rapport
aux médias, à l’espace public, au savoir, à la vérité, à l’information, rien
n’échappe à l’économie de l’attention qui préfère les réflexes à la réflexion
et les passions à la raison. Les lumières philosophiques s’éteignent au profit
des signaux numériques. Le marché de l’attention, c’est la société de la
fatigue.
Les regrets, toutefois, ne servent à rien. Le temps du combat est arrivé, non
pas pour rejeter la civilisation numérique, mais pour en transformer la nature
économique et en faire un projet qui abandonne le cauchemar transhumaniste
pour retrouver l’idéal humain…  »

B.P.
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